Martina Jakubchik-Paloheimo, Queen's University, Ontario
Le 20 août dernier, l’Équateur a organisé un référendum sur la fin de l’extraction pétrolière dans le parc national Yasuní, ce qui représente une décision historique dans l’effort mondial pour stopper l’extraction de combustibles fossiles dans les régions d’une grande importance écologique. À l’heure où les urgences climatiques se multiplient à l’échelle mondiale, l’Équateur a créé un précédent en préservant l’une des zones offrant la plus grande biodiversité de la planète, désignée réserve de la biosphère par l’Unesco.
Cette initiative devrait mettre fin à tous les projets d’extraction actuels et futurs dans la région, protégeant ainsi plus de 204 espèces de mammifères, 610 espèces d’oiseaux et un peu moins de 20 000 habitants, dont 200 à 300 Autochtones vivant dans un isolement volontaire.
Ce référendum témoigne des changements que l’engagement politique des citoyens permet d’obtenir. Il devrait montrer au monde entier qu’il est possible d’agir contre les intérêts des entreprises extractives et les politiques qui les soutiennent.
Voter pour notre avenir
À l’heure où nous atteignons un point de bascule critique sur le plan écologique dans le monde entier, on ne doit plus attendre pour prendre des mesures visant à protéger les écosystèmes restants de la planète. La forêt amazonienne demeure la plus grande réserve forestière du monde. Elle filtre des milliards de tonnes de dioxyde de carbone pour l’ensemble du globe. Il s’agit d’un service écosystémique essentiel qui nous fournit l’air pur que nous respirons et contribue à stabiliser l’atmosphère de la Terre.
Le vote devrait mener à l’arrêt de tous les projets pétroliers en cours au fil de l’année qui vient et à l’interdiction définitive de toute nouvelle exploitation dans la région. Le référendum permettra de conserver dans le sol des réserves de pétrole d’une valeur estimée à 133 milliards de dollars américains.
Le référendum national a été organisé à la suite d’une pétition lancée par des groupes autochtones et des défenseurs de l’environnement dans le cadre d’une action plus large du collectif Yasunidos, un groupe qui milite pour l’arrêt de l’extraction des combustibles fossiles dans le parc Yasuní.
Cela se produit à un moment déterminant, car les scientifiques nous préviennent que si la plus grande forêt tropicale du monde continue à reculer, elle passera de forêt luxuriante à savane. Non seulement cet habitat sera perdu pour des millions de personnes, de plantes et d’animaux, mais sa destruction marquera également la fin du plus grand système de filtration de la Terre. La disparition de ce puits de carbone et l’augmentation du dioxyde de carbone dans notre atmosphère auront des effets néfastes qui donneront lieu à des événements climatiques de plus en plus extrêmes.
Le Canada peut en tirer des leçons
Au Canada, les citoyens de l’Ontario ont l’occasion d’utiliser la démocratie directe pour protéger l’un des plus grands patrimoines naturels de notre pays. La ceinture de verdure est plus qu’un simple espace vert, c’est un bastion de services écologiques qui offre des avantages invisibles aux Canadiens bien au-delà de la région de Toronto.
La ceinture est continuellement menacée, même si le gouvernement Ford vient de reculer, sous une une avalanche de critiques.
L’histoire de Yasuní est une source d’inspiration dans le contexte de la catastrophe climatique. Les Nations unies déclarent que la planète a atteint un état d’urgence climatique, que la science des changements climatiques est indéniable et que les activités humaines en sont la cause.
Au Canada, nous avons observé — et respiré — les effets d’une augmentation considérable de la fréquence et de la gravité des incendies de forêt. Le nombre d’incendies en 2023 est supérieur à la moyenne annuelle des dix années précédentes au Canada, et la superficie totale brûlée en 2023 est près de sept fois plus grande que la moyenne annuelle des dix dernières années.
Dans ce contexte, il serait facile d’oublier que nous avons la chance de vivre dans un pays qui abrite un quart des zones humides, des forêts pluviales tempérées et des forêts boréales de la planète, 20 % de son eau douce, le plus long littoral du monde et des habitats précieux pour les oiseaux, les poissons et les mammifères. Cela constitue une protection écologique qui, si elle est entretenue et préservée, contribuera à offrir un refuge contre les catastrophes climatiques croissantes.
Pour cela, nous devons prendre les bonnes décisions pour connaître une richesse écologique à long terme plutôt qu’une prospérité économique à court terme.
S’inspirer de cet exemple
La protection du parc Yasuní et le pouvoir du peuple équatorien contre le programme d’extraction de son gouvernement national constituent un message pour les citoyens du Canada. Nous ne devons pas nous satisfaire du statu quo ni laisser des partis politiques nous diviser. Unissons-nous plutôt pour les enjeux importants qui concernent notre dépendance à l’égard de notre planète.
La démocratie directe citoyenne peut remonter jusqu’au sommet pour freiner les changements climatiques. La majorité doit avoir son mot à dire sur des projets environnementaux aux effets irréversibles. Cette histoire illustre le rôle des leaders autochtones dans la lutte contre l’industrie des combustibles fossiles dans un contexte de crise environnementale et le pouvoir du peuple en ce qui a trait aux politiques gouvernementales. Il est important de démontrer qu’une résistance soutenue peut influencer le cours des choses.
Afin de protéger la planète pour les générations futures, les programmes des gouvernements doivent être modifiés et influencés par l’action civile directe. Cela signifie que la préservation des zones importantes sur le plan écologique doit être considérée comme un objectif politique clé liée à la survie d’une nation. Les appels de plus en plus nombreux des leaders autochtones, des universitaires et des défenseurs de l’environnement en faveur de la conservation et de la restauration des espaces naturels ne font que renforcer ce constat.
Il est temps que les citoyens canadiens se mobilisent et reconnaissent qu’ils peuvent influencer le sort de leur patrimoine commun. On ne doit pas sous-estimer l’importance du précédent vécu en Équateur. Il montre que l’action collective peut fonctionner et qu’il n’est pas nécessaire d’attendre que les gouvernements fassent les bons choix.
Martina Jakubchik-Paloheimo, Ph.D. Candidate, Department of Geography and Planning, Queen's University, Ontario
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.