Avec l’éco-fatigue, on est épuisés de se sentir coupables de ne pas en faire assez pour le climat. On a beau recycler, acheter des produits locaux, manger moins, voire plus du tout, de viande, la planète continue de se réchauffer. Et si tous ces gestes green participaient en réalité à notre épanouissement mental ?

Sur TikTok, Karishma, surnommée « Climate Girl », a été vue par ses 38.000 abonnés en train de boire… dans une bouteille en plastique. Un geste qu’elle qualifie de simple oubli. « Oui, parfois ça arrive », explique-t-elle. « Je comprends, marre d’être culpabilisé dans ces moments, alors que je fais de mon mieux, cela contribue à mon éco-fatigue », peut-on lire dans les commentaires de sa vidéo. « Eco-fatigue », mais quel est ce nouveau terme ? 

 

On connaît déjà l’éco-anxiété, ce sentiment d’angoisse que ressentent certaines personnes face aux changements climatiques. Ce néologisme a gagné ces dernières années un intérêt médiatique considérable. L’éco-fatigue se caractérise par une forme de découragement, voire même une certaine indifférence face aux questions environnementales. Le terme a été théorisé dès les années 2010. Dans son ouvrage de 2015 « LAutoconstruccion : La transformacion cultural que necesitamos », l’Espagnol Jorge Riechmann définit l’éco-fatique comme « une lassitude et un dédain à l’égard des messages environnementaux, et du mouvement écologiste ». L’avalanche d’informations venant des entreprises, des institutions, mais aussi des activistes eux-mêmes, amplifierait d’autant plus ce sentiment de lassitude. 

Des pratiques écolos « insuffisantes »

Nous voulons consommer « bien » dans tous les sens du terme : manger des fruits de saison, favoriser les commerces locaux, boire dans des gourdes, s’habiller plus éthique, manger moins de viande, etc. Tous ces gestes du quotidien étiquetés comme « écolo », perdent, contre toute attente, non seulement ceux qui ne le font pas, mais aussi ceux qui les pratiquent. Sur Twitter, le hashtag #ecofatigue met en lumière l’exaspération des internautes face à l’insuffisance de l’écologisme. « Dès que tu penses que tu fais quelque chose de bien comme recycler, quelqu’un d’autre te trouvera toutes les raisons pour te montrer que ce n’est pas écologique », peut-on lire dans un tweet. Selon un rapport de l’ONG internationale Carbon Disclosure Project datant de 2017, plus de 70% des émissions mondiales de gaz à effet de serre émaneraient de seulement 100 entreprises. Cette étude peut exaspérer les individus qui souhaitent opérer, à leur échelle, des changements, mais qui se sentent au final impuissants face aux multinationales.

Dans l’étude « Faire sa part ? » du cabinet de conseil Carbone 4, réalisée en 2019, les auteurs écrivent : « l’engagement des individus et des ménages vers une décarbonation des modes de vie est assurément incontournable, et pour autant insuffisant pour atteindre les objectifs de réduction et viser la neutralité carbone de la France en 2050. Ils expliquent que même dans l’hypothèse d’un changement de comportement très significatif (végétarisme, arrêt de l’avion, trajets en vélo, rénovation thermique de son logement, etc.), un individu seul ne parviendrait pas à réduire son empreinte carbone que de 45%. Il faudrait pourtant descendre à 80% pour respecter les objectifs de l’accord de Paris (à l’horizon 2050).

Les écologistes culpabilisés, et culpabilisateurs

Les dernières manifestations « happening », qui consistent à impliquer le public dans la revendication, le plus souvent provocatrices, sont de plus en plus courantes dans différents pays du monde. Jets de nourritures sur les oeuvres d’art, sit-in sur les autoroutes, jets de vêtements sur la voie publique, les manifestations n’ont pas toujours bon goût auprès du public, en raison de leur portée « culpabilisatrice ». Par exemple, les manifestations du collectif écologiste « Dernière rénovation » (pour la rénovation énergétique des bâtiments en France) qui bloquent des rues, des axes routiers, le périphérique parisien en s’asseyant sur les voies. Leurs opérations peuvent exaspérer certains automobilistes, qui poussent ou menacent parfois les membres du collectif. Certains commentaires de leurs vidéos évoquent l’inutilité de leurs actes et leur manque de considération à l’égard des citoyens.

Face aux flots d’informations sur l’environnement, qui se contredisent parfois, et la nécessité de toujours faire plus et mieux pour la planète, la santé mentale des individus est mise à l’épreuve constamment. Pour combattre son éco-fatique, il existe des solutions : être moins dur avec soi-même, toujours faire de son mieux font partie des pistes préconisées.

Source : https://weekend.levif.be/societe/psycho/leco-fatigue-quand-un-sentiment-dimpuissance-ecologique-sinstalle-et-lasse/