Alizée Pillod, Université de Montréal

Le sommet sur les changements climatiques (COP28) a débuté jeudi dernier aux Émirats arabes unis et se poursuit jusqu’au 12 décembre. Avant même son lancement, ce sommet a fait l’objet de nombreuses critiques. Pourquoi ? Notamment parce que son organisation a été confiée à un PDG d’une compagnie pétrolière.

Néanmoins, le calendrier dévoilé nous donne plusieurs raisons d’entrevoir une lueur d’espoir. L’une d’entre elles provient du fait qu’une journée (le 3 décembre) sera consacrée à des discussions quant aux effets des changements climatiques sur la santé. Une première mondiale.

Mais pourquoi devrions-nous donc nous intéresser à la dimension santé du problème ?

Doctorante en science politique à l’Université de Montréal, mes travaux portent sur la construction sociale des problèmes publics. Je m’intéresse notamment aux effets de cadrage de la crise climatique et leur rôle dans l’apport de changements de politique publique.

Quels effets sur notre santé ?

Si les liens entre santé et environnement ne sont pas nouveaux, les liens entre santé et changements climatiques relèvent quant à eux d’un phénomène plus récent.

Dans les années 80, on parlait déjà de supposés problèmes dermatologiques causés par le trou dans la couche d’ozone.

Le lien avec les changements climatiques s’est toutefois fait plus tard, à la fin des années 2010. C’est à ce moment que le prestigieux journal médical The Lancet a publié un rapport indiquant que le réchauffement climatique constituait « la plus grande menace sanitaire mondiale du XXIe siècle ».

D’après ce même rapport, on souligne que le réchauffement climatique entraîne une intensification et une multiplication des évènements météorologiques extrêmes, lesquels peuvent être en retour dangereux pour notre santé.

Les inondations peuvent entraîner l’apparition de maladies transmises par l’eau, telles que le choléra ou la malaria.

Les sécheresses, en réduisant la productivité agricole, mènent quant à elles à de graves cas de malnutrition et de déshydratation.

Les vagues de chaleur ainsi que les feux de forêt endommagent notre système cardiorespiratoire et entraînent un ralentissement du rythme de travail ainsi que de la pratique de loisirs en extérieur.

Plus généralement, la hausse des températures nous expose davantage à des maladies transmises par des rongeurs ou à transmission vectorielle, comme la maladie de Lyme ou la dengue, car elle permet à certaines espèces animales d’étendre leur zone d’habitat dans des latitudes plus au nord du globe.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces risques sont inégalement répartis sur les territoires et peuvent se superposer les uns avec les autres. De telles expériences ont aussi des conséquences sur le plan psychologique, en entraînant notamment l’apparition du syndrome de stress post-traumatique.

Parler de santé : une opération de communication efficace ?

Depuis leur apparition sur l’agenda public et politique, les changements climatiques ont été essentiellement définis comme un problème environnemental ou économique. Or, la façon dont on cadre un problème détermine souvent les solutions mises sur la table pour y répondre.

Aujourd’hui, on constate que les cadrages dominants montrent des signes d’essoufflement. À ce sujet, le Baromètre de l’action climatique (constats du Groupe de recherche sur la communication marketing climatique de l’Université Laval) indique par exemple qu’un écart persiste entre les intentions de la population québécoise à en faire plus pour la crise climatique et sa prise d’actions concrètes. La mise en place de politiques climatiques efficaces soulève également encore des controverses et l’on constate la présence d’une fatigue informationnelle sur l’enjeu.

Plusieurs études, dont certaines réalisées au Canada, montrent que le cadrage santé pourrait aider à contourner cette problématique.

La population étant déjà familière avec ces risques sanitaires dans d’autres contextes, elle se sentirait plus concernée par la crise climatique que lorsqu’elle est confrontée à une image d’un ours polaire sur une banquise qui fond.

Parler des cobénéfices santé – comme celui de prendre le vélo pour aller travailler parce que c’est bon pour la santé et la planète – permettrait aussi un discours plus optimiste.

De plus, des experts montrent que le cadrage santé rejoint une plus grande proportion de la population, y compris les personnes considérées comme climatosceptiques.

Quels objectifs santé à la COP28 ?

D’une part, les discussions du 3 décembre auront pour but d’élaborer des stratégies de financement pour décarboniser les systèmes de santé à travers le monde. À titre d’exemple, un récent rapport de l’Association pour la Santé publique du Québec indique que le réseau de la santé est responsable de 3,6 % des émissions de gaz à effet de serre de la province (en particulier en raison du chauffage de l’air et de l’eau chaude sanitaire, de l’usage de gaz médicaux, mais aussi des transports de patients par ambulances, navettes et avions). On nous dit qu’il faudrait investir près de 3,8 milliards de dollars d’ici 2040 pour atteindre l’objectif zéro-émission dans le secteur. De ce fait, il existe une réelle nécessité de rendre les systèmes de santé moins énergivores.

D’autre part, on peut s’attendre à ce que les acteurs présents à la COP28 insistent pour une plus grande reconnaissance des effets des changements climatiques sur la santé afin que ceux-ci soient davantage pris en considération dans les plans gouvernementaux d’adaptation et autres initiatives. En 2021, un sondage de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) montrait que seulement 52 % des pays répondants possédaient un plan d’adaptation en santé et que 25 % étaient en train d’en développer un.

Le Canada, quant à lui, faisait partie des 23 % restants n’ayant aucun plan.

Cependant, il se pourrait bien que le vent soit en train de tourner, tant au niveau national qu’international.

Au pays, le rapport 2022 de l’administratrice en chef de la Santé publique du Canada était par exemple dédié aux effets des changements climatiques.

De plus, les feux de forêt sans précédent durant l’été 2023 et la toxicité dans l’air qui s’en est suivie, ont possiblement engendré un changement de mentalité.

Dans les dernières années, les rapports du Lancet Countdown dénotent une hausse de la visibilité de l’enjeu dans les médias ainsi qu’une présence plus récurrente dans les débats à l’Assemblée générale des Nations unies.

Le fait que la COP28 fasse de la santé une de ses thématiques centrales est, somme toute, un pas dans la bonne direction.La Conversation

Alizée Pillod, Doctorante en science politique, Université de Montréal

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.